Ouch, coup sur coup, une attaque de trois développeurs (avec la FSF France en sous-main, n'en doutons pas trop) contre Free, ce qui leur pendait au nez depuis un bon bout de temps, suivi juste ensuite d'un attaque de la FSF (tout court) contre Cisco (via Linksys) : mêmes raisons, mêmes effets et même milieu. Celui de l'embarqué, bien sûr. Deux box, l'une de type modem/Set Top Box (Freebox), l'autre de type routeur évolué de maison (WRT54), comprenant de manière certaine des Linux (avec Netfilter), des busybox, des libC, et que sait-on d'autre, mais pas de code redistribué en contre-partie. Pour l'instant, les deux parties sont présumées innocentes (je précise, parce qu'à 6h30, je dors, et que je tiens à mon intimité -- et mon bon PDG, responsable de ma publication même s'il ne doit me lire que bien peu, certainement aussi, d'ailleurs je précise au cas où un Capital aurait été raté qu'il est pilier au rugby !), mais que se passera-t-il en cas de condamnation ?

Eh bien c'est simple : outre les dommages et intérêts à déterminer (pour Free, on demande 10 millions d'Euros, soit grosso modo pour chacun des trois 1€ par box, ce qui est fort peu : certaines royalties tapent dans les 5$, pour des softs franchement bidons que nous ne citerons pas pour des raisons évidentes), il faut faire cesser le litige (sous peine d'astreinte) : deux choix s'offrent alors. Soit on écoute la bonne licence et on libère le code, c'est-à-dire que l'on fait disposer à tout un chacun le demandant (et pouvant s'en prévaloir : il faut avoir acheté l'appareil concerné) un CDrom les contenant, ou alors on ne s'embête pas et l'on tient un ftp public (regardez comme ils sont sympas chez Sony : Linux, busybox, uClibc, cross-gcc, et p'têtre deux ou trois autres trucs, pour chaque appareil, tout simplement, d'ailleurs ils devraient mettre en toute rigueur les scripts de compil, mais ils ne le font même pas). Soit, deuxième solution, on rapatrie les box et on change tout le logiciel, mais je crois que ça risque de coûter assez cher (c'est mon petit doigt qui me le souffle), et que ça ne vaut pas vraiment le coup (sinon, Linagora se propose de tout vous faire migrer sous BSD, on peut vous faire un prix d'ami je pense, c'est bientôt les soldes).

Ou alors on paie l'astreinte, mais tout le monde n'est pas Microsoft (heu, c'est de notoriété commune, c'est pas de la diffamation, hein chef ?). On ne badine pas avec la GPL, à bon entendeur... Pour ma part, j'ai vécu aussi des choses assez ubuesques, comme des demandes explicites de ne surtout pas changer une seule ligne de code d'un programme libre (même pour quelque chose de très bête, qu'il a fallu contourner à grands coups de scotch et de ficèle), pour ne pas avoir à la redistribuer ensuite (on ne parle même pas de faire l'effort de la réintégrer auprès de la communauté, comme s'engage Linagora à le faire plusieurs fois par jour !). Ce n'est pas pour rien que j'insiste toujours sur le côté juridique de mon cours, partie qui assomme régulièrement mes étudiants, pressés de brancher leur premier câble RS232 (pour avoir... un prompt, c'est qu'on est heureux avec peu, lorsqu'on est jeune).

Et Linagora dans tout ça ? Eh bien... notre projet de logiciel embarqué, qui nous occupe depuis un bon bout de temps, est sous BSD (OpenBSD). Forcément, ça fait moins de problèmes juridiques à l'arrivée (mais juste juridiques... Et à vrai dire, ce n'était pas pour une question de licence que cela a été choisi ainsi : embarqué ne veut pas dire accessible à tout un chacun ! Seul le client peut se prévaloir de la licence et réclamer les sources couvertes par la GPL). Sinon, nous dispensons aussi des cours en Droit Individuel à la Formation, par Benjamin Jean, une pointure vous dis-je, et si ce n'est certes pas donné, il faut bien se dire que des conférences pleines au salon RTS il n'y en a qu'une par an (et... il n'y avait pas vraiment de juriste présent, d'après mes souvenirs), et puis que ça peut faire économiser potentiellement un procès et 10 millions d'Euros pour couvrir à tout prix (c'est le cas de le dire) des NDAs ou une sécurité foireuse que l'on n'avait pas pas bien considérés avant, en fait...