Plus de deux mois sans bloguer, et pourtant, chers lecteurs, je vous devais un long commentaire depuis un bon bout de temps. C'est qu'entre les projets qui font courir, et les vacances pour compenser (que la nature est bien faite !), on ne voit guère le temps passer. L'exercice de ce compte-rendu détaillé et commenté va donc se faire avec mes notes plus qu'avec des souvenirs très précis, je m'excuse de fait par avance pour les erreurs qui pourraient s'y glisser, et invite à les signaler en commentaires. Voyageons donc quelque peu dans le temps : mardi 9 juin 2009, 10h du matin ; et dans l'espace : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, centre Mendes France, tout au bout des bâtiments de Bercy. Un site web, un temps trop court pour s'inscrire -- pas très grave, "Linagora", annoncé-je pour la création du badge, et alors que j'épèle par réflexe, "c'est bon, Zapolsky, on connaît !" (ça fait plaisir).

Les assises franco-allemandes de l'Embarqué fêtaient là leur second anniversaire ; l'événement est jeune, il a pour but de renforcer les liens industriels et commerciaux afférant au monde de l'Embarqué entre les deux pays leaders en Europe -- et fort bien placés dans le monde. L'Allemagne est le pays des plus au point sur ce secteur, il n'y a qu'à arpenter des salons ou consulter les chiffres pour s'en apercevoir ; héritage d'une tradition industrielle, et d'une culture de la recherche et du développement certainement. La France en réalité est moins au point, mais dispose d'une industrie militaro-industrielle génératrice de "dynamisme" -- même s'il est artificiel, puisqu'essentiellement soumis au bon vouloir du ministère de la Défense, qui passe commande et "investit", pour aller vite, les retombées se faisant sentir jusque dans les branches civiles ensuite. Il faut cependant bien arrêter le sujet principal : il s'agit avant toute chose de parler informatique, ce qui en l'occurrence intéresse au plus haut point Linagora (ce n'est pas comme si l'on était entre hardeux). D'ailleurs, les deux partenaires de chaque côté du Rhin sont d'un côté le Syntec informatique, et de l'autre BITKOM, qui pour ceux qui ne connaîtraient pas est l'Association Allemande pour les Technologies de l'Information, des Télécommunications et des Nouveaux Media, représentant plus de 1300 entreprises en Allemagne, dont 950 membres génèrent un CA de 135 milliards d'Euros.

Les participants sont accueillis par le p'tit dej' habituel (tellement que j'ai pris le mien chez moi, zut, j'aurais dû y penser, voilà une occasion de moins de rentabiliser mes impôts), et l'amphithéâtre consacré est très agréable (désolé, j'ai oublié de prendre des photos). Je retrouve un ami (qui est celui-là même qui m'a appris l'existence de l'événement) en la personne de Patrick Foubet (qui tient sa propre boutique), par ailleurs collègue professeur à l'INSIA (et voisin dans le civil, c'est dire l'accumulation des coïncidences, puisqu'il enseigne Linux Temps Réel, et moi Linux Embarqué). Nous commençons par une allocution, non pas par Luc Châtel, qui était encore à cette époque le secrétaire d'État chargé de l'Industrie et de la Consommation, auprès de la ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, en plus d'être porte-parole du Gouvernement (mais pas de l'Industrie cette fois), mais par l'un de ses hauts-fonctionnaires de cabinet, le conseiller technique Michaël Reynier. Las, n'est pas politique qui veut, le discours est poussif (et plutôt creux), et l'on manque à plusieurs reprises de sombrer. Heureusement, ça ne dure pas bien longtemps, et Eric Bantegnie prend la parole à 10h30 (le planning est respecté à la minute près toute la journée, saluons la précision !), pour nous exposer la "feuille de route franco-allemande pour le développement des Logiciels & Systèmes Embarqués".

Le Président du Comité Embarqué de Syntec informatique (je note le poste pour une future carrière ; il est PDG d'Esterel, tout de même, ce n'est pas gagné) est un bon orateur, et nous présente le CG2E, club de donneurs d'ordres, regroupant le pôle de compétitivité System@tic, l'Aerospace Valley, Minalogic, ainsi que Image et réseaux clusters. Il nous parle de CTB, qui mis à part son homo-acronynimie malheureuse, signifie "Common Technical Baseline" (for embedded systems), et qui à travers son site web nous fait connaître l'avancée des travaux entre grands pontes (Français, Allemands et Néerlandais très essentiellement) pour se mettre d'accord sur un langage commun de spécifications de leurs besoins. Comme un petit peu à chaque fois, le site est moche (sans compter les redirections internes vers soi-même mais avec une racine d'url différente, comme on aura pu constater avec le lien précédent), plutôt vide, et finalement, il reprend juste ce qui existe déjà -- c'est-à-dire la mode des empilements de briques, avec ou sans flèches, qui sont souvent plus une vue de l'esprit qu'un reflet exact de la réalité, noterons-nous narquoisement. Mais il faut saluer l'effort (c'est nouveau dans le métier, qui a su conserver un esprit "maison" de réinvention de roue perpétuelle remarquable).

Son alter-ego germanique Knut Degen, présent du Comité Embarqué de BITKOM, nous parle un peu en français (et surtout en anglais, de mémoire), sur un autre genre plus avenant. Il lance à 10h50 la présentation et restitution des travaux du CG2E, "Club des Grandes Entreprises de l'Embarqué", par Dominique Potier (secrétaire général) et Jean-Claude Derrien. La CG2E comporte actuellement 25 à 30 entreprises, nous apprend-il, des petites, des PMEs et des grandes entreprises (surtout, à mon avis, avec en plus les moyennes débrouillardes habituelles que l'on retrouve un peu partout), et reste ouverte à l'adhésion de nouveaux membres. Son président (temporaire -- peut-être ne l'est-il déjà plus ?) est Dominique Vernay. Concernant l'administration et les finances, c'est le club des partenaires de la FIEEC qui s'en charge. Sont cités aussi parmi les importants Claude Lepape de Schneider pour Minalogic et Gérard Lardier d'Airbus pour l'Aerospace Valley.

Il existe différents groupes de travail : les normes et standards (J-C Derrien de SAFRAN et Eliane Fourgeau de Geensys), la productivité/qualité et le dimensionnement des enjeux économiques ; plus tard on évoquera la SG2 pour la sûreté de fonctionnement. Pour qui se rappelle du salon ARM, nous sommes dans le vent, les préoccupations sont habituelles. Notons que le libre dans l'embarqué s'inscrit exactement dans ce genre de questionnements : l'ouverture des standards (un point sur lequel j'insiste toujours en cours, qui pourtant n'a jamais eu à chercher partout un chargeur pour sa version de téléphone portable ? Ça en est d'ailleurs enfin fini de ce temps, le micro-USB est devenu la norme auto-imposée), la réduction du Time to Market, ou la qualité et la pérennité du code. D'ailleurs, pour qui se remémore les sujets abordés de manière assez récurrente au dernier salon RTS, la sécurité de fonctionnement dans le libre est un point épineux auquel on pense de plus en plus à s'attaquer. Sur tous ces sujets, Linagora a clairement une carte à jouer, par sa connaissance du monde du libre qui l'avantage (ouf, je n'y suis pas allé pour rien :)  ).

À 11h20, Knut Degen, président du comité embarqué de BITKOM, présente une restitution de l'étude BITKOM sur le marché allemand de l'embarqué. Autant dire que ce genre de prise de température de fort bonne qualité est toujours très appréciable. L'industrie embarquée en Allemagne représente un chiffre d'affaire de 19 milliards d'Euros, répartis selon 15 milliards pour les industriels, et 3,7 milliards pour les éditeurs. Si le hardware est environ deux fois plus important que le software, la prestation de service représente sur le camembert de répartition 44% de cette masse financière ! Les télécoms y sont bien plus importants que l'automobile, largement devant la défense (pour d'évidentes raisons) ; ceci est très différent de la France, précise-t-on. On note que l'automobile est tout de même au final le plus important, car en bout de chaîne (c'est de là que partent les commandes). 70% du CA est interne, 17% de l'UE. L'étude s'est aussi intéressée aux problématiques actuelles qui occupent les industriels : la réduction du TTM est bien devant la qualité, suivie des standards et de la complexité, assez devant la sécurité, plus loin l'OpenSource, et enfin en bout la chute des prix. Les secteurs de croissance attendus sont essentiellement le médical (très en vogue, nous le verrons d'ailleurs plus tard), la communication, les machines (spécialité très germanique) et l'électronique de transports (hors l'automobile, apparemment).

On remarque qu'il y a malheureusement peu d'Allemands cette année dans la salle -- l'année dernière, bien du monde avait les écouteurs de traduction sur les oreilles, me confirme mon voisin. On espère qu'il y aura en revanche des français à Francfort (c'était en juillet, apparemment, des nouvelles ?). Et l'on attire l'attention sur l'Embedded World à Nuremberg -- qui est il me semble le plus grand salon mondial du genre. À 11h40, séance de questions, on apprend que l'adhésion à la CG2E coute 1000€ par an, soit une somme assez faible dans l'absolu mais suffisante pour faire un tri à l'entrée, et qui donne toujours à mon avis assez de budget pour payer le stagiaire qui a conçu le site web, puisqu'en terme de fonctionnement l'association ne doit pas avoir grande dépense à faire. On se plaint que pour le médical, le marché est clos et l'on manque d'interlocuteurs : c'est tout à fait vrai. Le SYNTEC permet une comparaison avec nos voisins outre-Rhin en dévoilant qu'il y a deux fois plus de prestations dans notre pays, et que les éditeurs (hors électronique) génèrent un CA de 4 millions d'Euros. La crise va avoir comme impact de réduire une croissance de 12% à 5%, mais les chiffres sont avoués (ou désavoués) comme étant peu précis. On note cependant une inertie du marché de l'embarqué (bien propre au milieu industriel) : c'est mal parce que les adaptations rapides sont difficiles, c'est bien parce que ça empêche de tomber dans les affres de l'économie mondiale. L'Allemagne continue ainsi de vouloir embaucher massivement, ils leur manqueraient 200 à 250 mille ingénieurs !

Justement, à 11h50 est prévue une conférence sur les filières de formation aux métiers de l'Embarqué : "Adéquation entre les besoins en compétences en informatique embarquée et l'offre de formation ?", se demande-t-on. C'est Jean-François Lécole, PDG fondateur de Katalyse qui présente l'étude, menée conjointement avec Merlane pour le compte de l'OPIIEC (Observatoire paritaire des métiers de l'Ingénierie, de l'Informatique, des Etudes et du Conseil, on peut trouver les liens vers le rapport sur la page liée du CICF). Des chiffres : 220.000 emplois, répartis pour 65% chez les industriels, 29% chez les prestataires et 6% chez les éditeurs ; un besoin de 34.000 emplois supplémentaire (en solde net, c'est-à-dire corrigé des départs à la retraite) en cinq ans se fait sentir, pour une progression de 46%, et une répartition de 19.300 (en plus de 26.000 remplacements) dans les SSII et 14.600 (en plus des 48.000 remplacements) dans l'industrie ; 85% des profils sont généralistes, à qui l'on demande des capacités d'évolution en compétences techniques, d'adaptations importantes, et de gestion de projet. Aussi, les formations disponibles sont triés selon trois profils : 500 à 700 nouveaux entrants par an ont bénéficié d'une formation dédiée (260 à 420 en bac+5) ; 17.700 par an (dont 7.700 en bac+5) on suivi un cursus généraliste avec "coloration" embarqué ; et enfin 28.000 sortent d'un cursus scientifique bac+5 (comprenant des physiciens de cursus universitaires par exemple).

L'offre de formation est encore très jeune, et il existe un problème de prévision sur 6 ans ! En tant que professeur et ancien élève, je peux confirmer que le maintien d'une spécialisation en informatique embarquée au sein d'une école, surtout au regard des difficultés spécifiques de la filière (professeurs difficiles à trouver et à faire venir, très grandes variétés des matières souvent très/trop techniques donc spécifiques, problématique de la mise en pratique, et pour finir... très peu d'étudiants s'inscrivent spontanément dans cette spécialisation exigeante), est un problème récurrent. Prévoir une formation qui soit assez générique pour préparer à l'acquisition de technologies non encore existantes au début du cursus, tout en maintenant assez de cours techniques poussés afin de permettre une entrée rapide et sans douleur sur le marché du travail n'est pas de tout repos. On constate aussi, reprend notre conférencier, une forte évolution, des liens avec les laboratoires et une mutualisation. L'offre académique reste cependant pauvre, mais il y a peu de demandes aussi ; la formation continue, quant à elle, marche mieux dans les grandes entreprises.

Les besoins sont pourtant pressants : 12.800 travailleurs pour 3.400 non-ingénieurs, et 9.400 ingénieurs. La demande constatée y correspond à peu près : 12.500 pour 3.900 non-ingénieurs et 8.600 ingénieurs. À cela s'ajoutent 29.750 profils "expérimentés", pour arriver à un total de 42.500. La répartition selon nos trois critères précédemment énoncés se fait alors selon : 20% de formation dédiée, 70% de "coloration" et 10% de non-spécifique. L'avantage des ingénieurs se situe dans la gestion de projets, les langues et la meilleure adaptation au monde du travail que les cursus universitaires. On soulève enfin un dernier point, et non  des moindres : le problème d'image pour les étudiants. Il existe aussi un manque de visibilité des formations (y compris pour les DIF, je rappelle au passage que Linagora propose des formations à Linux Embarqué et Linux Temps Réel, ainsi qu'aux sujets afférents) : une page dédiée sur Internet devrait être créée. On remarquera cependant que l'on n'est pas encore sorti de l'auberge : sans aucun suivi par mails à la suite de ces assises, je trouve les slides de cette conférence sur le site gouvernemental de la partie "technologies de l'information et de la télécommunication" du MINEFI, qui arrive à me faire trouver une référence plus longue sous forme de compte-rendu (non relié au site principal de l'événement, mais qui y renvoie tout de même), qui lui-même ne référence apparemment pas les slides précédents. Bref, aucune idée d'où en est la création du site web sur les formations...

La séance des questions/réponse ne s'attarde pas trop, et en fait un certain nombre de personnes veut plutôt parler de manière informelle avec les intervenants. C'est ainsi que je m'entretiens quelque peu de mon expérience de formateur (d'ailleurs, des retours d'expériences concrets manquaient quelque peu à ce niveau, même si l'on n'avait pas le temps -- je vais regarder le rapport complet plus en détail), et je soulève deux points fondamentaux se rejoignant qui n'ont pas été abordés : pourquoi un étudiant choisirait-il une filière embarqué hautement complexe pour être amené à travailler à Vélizy (conditions de travail quasiment toujours dégradées, j'ai tout de même bossé six mois en face d'un mur, la fenêtre la plus proche à 50 mètres non visible, à Thales Colombe) payé au lance-pierre (c'est un fait, les salaires sont inférieurs aux autres spécialisations techniques, et je ne parle même pas à compétences égales), alors qu'il pourrait se caser pépère à la Défense pour faire du Java bidon dans une banque ? Sans parler des perspectives d'évolution de carrière et de la valorisation du travail (on croît que faire des satellites est a priori très valorisant, mais dès lors que l'on se retrouve comme une toute petite pièce d'un très grand rouage, quelle est la satisfaction réelle ?). Certes, la tendance est à l'amélioration du métier (ou à la dégradation des autres ? Pensons notamment à la crise économique qui a affecté les banques, donc nos adeptes de l'IHM Java), mais c'est ici que se situe le problème, et la forte demande en compétences très variées et techniques (on nous demande de savoir aussi bien faire de l'assembleur que de l'interface graphique...) n'aide pourtant pas la hausse des salaires dans le milieu ; ce n'est pas la peine de chercher longtemps ailleurs (le "ailleurs" qui peut être aussi la "pression" du métier : risquer de planter un avion est autre chose que risquer de planter une appli web).

Je m'entretiens aussi un peu avec un représentant de Wind River (il a remarqué que j'étais un peu partout, avec mon chapeau, pratique), qui a lui aussi des problèmes de visibilité sur les formations (au passage, je parle rapidement du rachat de la boîte par Intel, toujours sous l'émotion). Et puis c'est l'heure de partir à la chasse au fromage, ce qui est certes fort bon (surtout si l'on aime, pour les autres il y a du gâteau au chocolat), mais qui ne m'aurait pas semblé forcément très adapté pour les rencontres de visu a priori (admirez ce déploiement d'euphémismes). Le "networking" est en effet prévu dans la pause 12h30-14h00, mais je n'ai pas eu l'impression que les rendez-vous formels, à prendre d'avance sur le site web consacré, ait eu un succès énorme. Pour ce genre d'événements, il faut inciter au brassage, et de ce point de vue-là, l'événement a quelque peu péché. Les deux ou trois stands de partenaires, Sysgo à l'entrée, et de mémoire Geensys et Microsoft, n'accueillaient pas vraiment foule, tandis que leurs animateurs étaient partis directement au contact -- laissant bien souvent le stand vide. J'y reviendrai.

La reprise se fait sur les Trophées de l'Embarqué 2009 (par Jessica France), selon cinq catégories : l'Embarqué critique, l'Embarqué grand public, le capteur embarqué, l'Embarqué communicant et les Technologies de l'Embarqué. On en parle suffisamment dans les comptes-rendus officiels pour passer rapidement dessus, tout en saluant les mérites des gagnants (et des perdants...). À 14h45, il est temps de présenter rapidement le "livre blanc des systèmes embarqués"  (téléchargeable là), par Eric Mittelette, responsable du groupe de travail associé. La plaquette nous dit : "le Comité Embarqué de Syntec informatique, publie un Livre Blanc s'adressant au grand public qui illustre de manière concrète le monde des Systèmes Embarqués". Il a cette formule malheureuse d'entrée : "faire connaître notre jeune industrie", qui me laisse pantois avec mon ami, d'une vingtaine d'années plus âgé que moi, et d'ailleurs on retrouve bien en introduction du livre que l'informatique embarquée aurait moins de 20 ans. Il ne faut pas chercher bien loin pour déclarer que non, l'informatique embarquée est largement plus âgée, et tout dépend de la définition que l'on retient, apparaît même avec l'informatique tout court.

Le document d'une vingtaine de pages est clairement orienté très grand public, et avant un exemple tiré de la vie courante de confrontation à notre type de technologie, Eric Brantegnie fait justement remarquer que "paradoxalement cette industrie est peu connue du grand public, des décideurs économiques et politiques, des étudiants et du monde de l'enseignement". Une raison à cela selon moi : l'inculture technologique ambiante, qui associe à peu près tout ce qui existe à une aura de magie mystique complexe à appréhender. Il y a trois ans et demi, au salon du livre, je demandais à la personne sur le salon si elle savait sur quel système tournait le livre électronique (qui faisait alors son apparition) qu'elle proposait : "mais monsieur", me suis-je vu répondre, "c'est totalement électronique !". Idem à propos des téléphones portables, l'électronique a été assimilée, mais pas encore le fait que des personnes ont pu coder dessus, alors même que c'est là où se situe la véritable valeur ajoutée ! Bref, le livre blanc reste très général -- sans oublier cependant de mentionner les gagnants des trophées 2008, allez savoir --, et n'hésite pas à consacrer de larges pans à la "pollution et émissions de CO2" (page 17), au milieu d'une grosse tranche sur l'automobile, une interview de vrais gens de l'Embarqué dont on précise le nombre d'enfants qu'ils possèdent, et on nous tire même une larme à la page 22 ("tenir compte des considérations éthiques") : "[les logiciels embarqués] participeront ainsi activement au bonheur et à l'équilibre de notre société" ; avant de sauver les vieux (heu, personnes âgées), les logiciels embarqués, c'est avant tout du militaire. Bref, l'intention est bonne mais le résultat me paraît quelque peu bancal (comme on me dira que la critique est facile mais l'art difficile ; je précise donc que je me suis essayé à l'exercice et que j'ai produit un document interne -- orienté Linux, avec une vue d'ensemble du marché sous ce prisme --, que vous pouvez me demander, chers collègues -- pour les autres, envoyez un CV à notre RH, on étudiera votre demande). Peut-être est-ce dû à l'origine pas assez représentative des rédacteurs et intervenants -- mais comme Eric Mittelette est responsable groupe développeurs, division plate-forme d'entreprise Microsoft, j'ai peur que l'on m'accuse ensuite de partialité.  :)

15h00 : première table-ronde, "exemples de projets français, allemands ou franco-allemands dans les domaines du transport automobile et ferroviaire". Un animateur, Sylvain Dorschner, Délégué Général du pôle de compétitivité System@tic ; et différents intervenants, Christian Balle de Renault (directeur adjoint Electronique Avancée, membre du Bureau Exécutif System@tic, qui nous parle du système 4RD de la Laguna, qui est celui-la même qui a été primé peu avant, me semble-t-il -- il s'agit d'avoir 4 roues directionnelles), Louis-Claude Vrignaud ([ancien?] Président d'EICOSE, l'European Institute for Complex Safety Critical Systems Engineering -- voir ici aussi), Jacques Bercot (Valeo, directeur du centre pour l'Excellence Electronique du projet STOP&START -- la voiture s'arrête lorsqu'elle est à l'arrêt, si l'on me pardonne l'expression), et Daniel Cadet (Alstom Transport Technical, Directeur des relations extérieures -- ce qui est assez ironique, car il nous affirme qu'il est très heureux d'avoir échouer à faire parti de consortiums pataugeant dans la semoule à essayer de se mettre d'accord et de travailler ensemble, quand de son côté, Alstom a su faire progresser et réussir les même projets concernés tout seul et sans interférence extérieure). Une question du public porte sur la sécurité des automobiles : un intervenant répond que la certification sur automobile ne sera jamais poussée aussi loin que celle pour les avions ou autres transports en commun, pour une simple raison de coût-bénéfice, sachant que d'une part c'est quasiment toujours le conducteur qui fait la faute (on remarquera que de toute façon, lorsque l'électronique est en cause, le débat est toujours saboté, comme pour les régulateurs accusés ; quand on ne passe pas simplement sous silence les calculateurs de bord qui prennent feu chez Renault -- la faute à Siemens, avais-je entendu dire --, ou que l'on rappelle des milliers de voiture pour les patcher sans donner la raison exacte chez Peugeolt -- là encore, par des contacts, il semblerait qu'à un moment les portières automatisées avaient tendance à s'ouvrir inopportunément), et que d'autre part crasher un avion n'a tout simplement pas le même effet en terme de pertes humaines que planter une voiture ; c'était la minute de cynisme capitaliste (ce n'est pas péjoratif, mais enfin il est de bon ton de rappeler les fondamentaux économiques qui dirigent à l'industrie).

Au bout d'une demi-heure, c'est la pause café/networking (like we say in good French  German eerr), l'occasion de retrouver mon PDG, Alexandre Zapolsky, qui par une pure coïncidence (mais on avait répété la veille) se trouvait dans le ministère. Tandis qu'il va saluer le Syntec et autres très bonnes connaissances, je pars à la chasse aux contacts -- et tombe en premier sur mon ancien directeur d'étude de l'EPITA, avec qui je m'entretiens de la bonne évolution de la filière, surtout depuis qu'elle a absorbé une autre autrefois dédiée à la recherche. J'arrive à m'imisser dans une discussion (ça parlait des jeunes, coup de chance) et me fait un bon contact à la SNCF ; et par hasard, un universitaire de Nancy (je parle de la difficulté à mettre en place des TPs : leur professeur fait un séminaire d'une semaine, et le un jour est entièrement consacré à mettre en place la dizaine de postes, tandis que le TP prend la journée suivante). Du coup, j'arrive un peu en retard pour la seconde table ronde, qui de toute façon m'intéresse moins. D'ailleurs, les départs sont assez nombreux, comme mon ami qui m'a jusqu'ici accompagné (notamment à la chasse au fromage, ce qui est important, pardi).

Cette table-ronde parle de projets dans les domaines de la domotique et du développement durable. La domotique, cela fait tellement de temps que l'on en parle que l'on commencerait presque à en douter plus que fortement. La voilà associée au buzz world du moment, il n'y a plus qu'à ajouter "incitation fiscale", et nous y sommes. C'est Nicolas Leterrier, Délégué Général de Minalogic qui anime, et j'arrive sur la toute fin de la présentation de Jean-Luc Dormoy pour EDF Group Strategic Marketing Comitte, dont il est le Home Technology & Smart Meter European Programme Director (tout un program), à propos du produit "YELLO Sparzähler Compteur intelligent" (sic). Puis c'est Didier Pellegrin de Schneider Electric, qui nous présente le projet HOMES, dont il est le directeur : "HOMES définit de nouvelles architectures pour le contrôle et la distribution de l'énergie dans le bâtiment, pour mettre sur le marché les produits et solutions nécessaires à une meilleure efficacité énergétique et permettre le développement de nouveaux services". Bonne chance. Le responsable du Programme de Recherche M2M d'Orange Labs (Groupe France Telecom) André Bottaro a une mission tout aussi précise : "Senscity : Orange Labs et un réseau de PME collabore au développement d'une offre technologique et d'un business model pour des réseaux de capteurs destinés aux collectivités engagées dans une démarche de développement durable". Et justement, on finit avec Didier Dufournet, dirigeant de la société Azimut Monitoring, pour "les réseaux de capteurs et standardisation des protocoles".

16h30, c'est l'heure du grand témoin, en l'occurrence le Dr James Goldberg : "TIC et Cancérologie: que peut-on attendre de l'embarqué en matière médicale ?". Là, j'avoue que c'était franchement étrange. Nous sommes partis dans des considérations un peu folle (ça a tout de même dévié sur l'assurance maladie aux Etats-Unis -- prévoyez d'être riche si vous souhaitez avoir plusieurs échographies), et je me suis souvent demandé comment on allait retomber sur nos pattes. En tout cas, on était très éloigné d'une synthèse (de toute façon, avec des slides et un discours déjà préparés...), et cela a duré une demi-heure, tout de même. On a cependant eu droit à une liste de désidératas pour rendre la vie meilleure aux médecins et patients, on verra ce que General Electric propose -- car oui, le secteur est cloisonné... (oh, on parlait aussi du dossier médical électronique, ça en revanche ça peut nous intéresser au plus haut point)

Une heure restante avant la fermeture à 18h00, pour un cocktail de clôture, qui à vrai dire n'avait pas une pêche d'enfer, et a encore plus souffert, parmi les restants, du phénomène de grumeaux : ceux qui se connaissent forment des groupes de trois ou quatre personnes, et se tiennent en position fermée. Prendre d'assaut de telles forteresses sociales est d'autant plus difficile que l'on ne sait jamais trop sur qui l'on va tomber -- c'est ainsi que je me suis retrouvé au milieu de discussions dont il faut faire preuve du plus grand génie pour s'en échapper diplomatiquement. Manifestement, c'est là le gros point faible de cette journée : l'interaction entre les participants a été en réalité plutôt faible, en ce que les nouveaux contacts ont été particulièrement difficile (ainsi la pêche aux cartes de visite a été basse, et la distribution idoine). C'est d'autant plus dommage qu'il y avait particulièrement du beau linge, comme on a pu le voir dans les attributions de chacun. C'était généralement des directeurs de petites structures, des délégués généraux d'associations d'entreprises, des directeur de projets, ou encore des directeurs d'étude (on pouvait croiser un bon nombre d'écoles, dont certaines qui m'étaient jusque là inconnues). Bien du monde a fait le voyage depuis la province, moins depuis l'Allemagne -- je n'ai d'ailleurs pu discuter avec aucun Allemand ! Continuer a posteriori sous forme de discussion informelle un sujet avec le conférencier concerné était mission impossible, contrairement à un salon plus classique comme RTS (selon un autre modèle, certes).

L'événement est sans conteste original, mais je me demande toujours pourquoi le grand témoin n'était pas quelqu'un du ministère. On parle crédit impôt recherche, mais surtout emplois et R&D, développement technologiques de très haute importance -- automobile, satellites, télécom, et j'en passe, le militaire n'ayant pas été abordé, bref de ce qui intéresse le gouvernement --, on précise même dans le livre blanc que les décideurs connaissent mal le milieu, mais pourtant, outre que le secrétaire d'État concerné a annulé sa venue, il ne me semble pas que les conseillers de son cabinet étaient présents outre mesure. Peut-être ont-ils a posteriori visionné la vidéo complète de la journée (avec plus de chance que moi, pour qui ça ne marche pas), mais cela laisse une impression étrange. Autre complainte : une formule de speed dating aurait été tellement plus agréable pour parfaire son networking ! (avec une allitération gratuite, en plus) Mais le contenu des conférences étaient dans l'absolu de très bon niveau, l'organisation rigoureuse et le cadre très agréable, c'est donc un bilan positif que je dresse de cette journée -- après tout, il s'agissait avant tout d'assises, soit de dresser une sorte d'état des lieux, comme l'annonçait la dénomination de l'événement --, qui aura eu le mérite d'installer un peu plus Linagora dans sa stratégie de développement du pôle embarqué -- si ce n'est de nous faire simplement connaître sous cet aspect, notamment auprès du Syntec informatique.