C'est ce que l'on peut se poser comme question au regard de la sortie de l'arme nucléaire juridique : les brevets logiciels. Pour rappel, les brevets logiciels ne sont valables qu'aux USA et autres pays de ce goût-là (le Japon, par exemple), mais heureusement pas en Europe (malgré la poussée de lobbies mal intentionnés). La situation est la suivante : les grands groupes possèdent des porte-feuilles entiers de brevets validés par un bureau peu regardant (le double-clic pour Microsoft, l'achat en un clic pour Amazon, etc), et se mènent une guerre... froide. Équilibre des forces. Les nouveaux arrivants, eux, se font bouffer tout crus : avant de pouvoir s'acquitter de la liste des brevets à payer pour faire quoi que ce soit, ils ont déjà entamé tout leur capital. Nouveaux arrivants qui ne sont pas (forcément) de petites entreprises à croissance potentielle exponentielle (celles-là sont obligées de conquérir de nouveaux marchés, Internet dans les années 90-2000 par exemple) ; on pense en fait plutôt aux asiatiques ; ou aux grandes sociétés voulant s'étendre sur un secteur où elles étaient absentes.

Et c'est ainsi que Google marcha sur les plate-bandes d'un arrivant pas beaucoup plus ancien dans l'histoire de l'embarqué (ni de la téléphonie portable) : Apple. Pour rappel, l'iPhone a certes très bien marché, mais pas aussi bien dans le reste du monde qu'en France (il y a un syndrome certainement nombriliste français d'induction forte ; un peu comme lorsqu'on croit que MSN s'est imposé partout : en fait, c'est juste totalement faux -- j'accorde un phénomène de sur-visibilité dû à l'unicité de forme des produits, tout au plus) ;et même sur le marché spécifique des smartphones le leader de très loin reste Nokia (44%), suivi de BlackBerry (19%). Il n'empêche : l'iPhone possède (entre autres) le multi-touch. Mais la dernière mouture d'Android aussi. Et donc le Desire, le Nexus (seul commercialisé sous la marque Google mais en réalité sous-traité) ou les prochains téléphones de HTC de même. Apple attaque violemment sur le terrain de la propriété intellectuelle HTC, le Taïwanais qui pèse bien moins (presque dix fois moins) lourd qu'eux en bourse -- mais après tout, Apple ne valait plus grand chose il y a 10 ans. En réalité, c'est à Google que s'adresse Apple ; avoir le courage de les affronter n'est cependant pas au programme (allez savoir pourquoi, n'est-ce pas ?).

Si l'honneur de personne ne sort jamais grandie de ce genre d'affaires, il est en tout cas assez cocasse de voir ainsi Apple, qui a débuté en piratant le réseau téléphonique de AT&T, et qui a piqué bon nombre de ses idées "novatrices" de ses débuts à Xerox (l'interface graphique et la souris, entre autres), Apple qui est en train de nous faire croire qu'ils ont inventé la tablette Internet tactile là où le N770 existe depuis 2005, jouer aux vierges effarouchées dès qu'il s'agit de défendre son bout de gras. Tous les coups sont permis. HTC contre-attaque déjà, avec les mêmes armes. Une bataille de longue haleine s'engage.

Avec 5 millions d'appareils vendus sous Android (et 4 autres millions sous d'autres systèmes Linux), les parts de marché de Apple  se voient menacées : c'est bien sur le même segment que ce situe la bataille. RIM pourrait aussi en pâtir lourdement ; je l'ai déjà écrit, Microsoft sent la partie lui échapper. Les prévisions que l'on pensait très optimistes pour 2012 (et qui avaient été formulé en 2008) de l'impact de Linux dans le marché de la téléphonie sembleraient à présent... sous-estimées ! Car avec l'abandon programmé de Symbian pour du MeeGo, le renouvellement du parc d'ici deux ans, via un levier Nokia qui possède 44% du marché des OS de smartphones (et 35% du marché de la téléphonie), va être certainement très impressionnant.

Mais Google ne s'arrêtera pas là : les tablet PC vont venir chatouiller l'iPad, et on compte déjà Archos, ASUS (Eee Pad), Dell (Streak, Mini 5), Samsung (S-Pad), Notion Ink (Adam). On verra si Apple néglige toujours le port USB (comme ils avaient négligé la 3G sur le premier iPhone, quand on y pense). Deux philosophies vont s'affronter : l'ouverture (évidemment, il y a la problématique du Market, mais elle est justifiable d'un point de vue de la sécurité) vs la fermeture totale du business model à la pomme.

Et un nouveau marché semble encore à conquérir : la télévision numérique. Dans un marché sclérosé et fortement concentré aux mains de quelques monopoles, certes entamés par les opérateurs triple-play (qui découvrent le métier sur le tas), ça pourrait faire mal : pour peu que les opérateurs découvrent que l'on peut faire beaucoup mieux avec beaucoup moins cher et beaucoup moins complexe, ça risque de faire mal. Un peu comme lorsque Apple a mis un coup de pied dans la fourmilière des smartphones : car s'il faut bien leur reconnaître un mérite, un seul, c'est bien celui-là. La bataille ne se joue plus sur le software en lui-même : elle se joue sur le contenu, sur la valeur ajoutée intrinsèque. À ce niveau-là, Android a la portabilité et donc la diffusion de masse sur des secteurs variés, ramenant autant de développeurs nouveaux que possible, de son côté. Un avantage qui pourra s'avérer rapidement décisif.